La maison des hautures

Noël en provence

garcia-michel Par Le 02/11/2016

Dans Culture

santons

 

Bonjour à tous ! Petit à petit, nous nous rapprochons de Noël, la plus belle période de l’année qui est célébrée avec amour et partage dans tous les coins de la France.

Cependant, il existe une région où les «fêtes calendales» c’est-à-dire la période de la Sainte-Barbe (le 4 décembre) au 2 février (fête de la Chandeleur), ont une magie et une saveur particulières grâce aux symboles, aux coutumes et au respect des traditions. Bien que pour la plupart des gens, cette terre évoque plutôt l’été, le grand bleu, les vacances et le chant des cigales, elle a aussi une autre facette aussi charmante mais moins connue : Noël.

Avez-vous deviné de quelle région il s’agit ? C’est bien…. la Provence.

Alors, êtes-vous prêts à vous adonner à la magie de  Noël à la provençale?

 

 

Le blé de la Sainte-Barbe

 

 

Blé de la Sainte-Barbe Photo by Véronique PAGNIER (Own work) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC-BY-SA-3.0-2.5-2.0-1.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons File: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/83/Bl%C3%A9_de_la_Ste_Barbe.JPG Page: http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3ABl%C3%A9_de_la_Ste_Barbe.JPG

BLÉ DE LA SAINTE-BARBE – 

 

 

En Provence, les traditions liées à Noël portent le nom de traditions calendales (du provençal calèndo, Noël).

Les préparatifs de Noël commencent le 4 décembre, jour où on plante le blé de la Sainte Barbe. Il s’agit d’une jolie tradition bien conservée qui réunit petits et grands. Dans trois coupelles, qui symbolisent la Sainte Trinité, on place du coton, on l’humecte avec de l’eau et on plante des grains de blé (ou des lentilles) qui doivent être soigneusement arrosés jusqu’au 24 décembre. Une fois que le blé aura bien poussé et sera bien haut, il sera entouré d’un ruban jaune et rouge aux couleurs de la Provence et les coupelles orneront la table du Gros Souper le soir du réveillon de Noël. Les pointes germées seront coupées et déposées en offrande au pied de l’enfant Jésus dans la crèche.

La tradition du blé de la Sainte-Barbe remonte à l’époque romaine. Selon les croyances antiques si le blé germait bien et était vert on aurait une bonne récolte de moisson et une future année prospère.

D’ailleurs les paysans d’antan l’ont toujours dit : Quand lou blad vèn bèn, tout vèn bèn ! autrement dit Quand le blé va, tout va.

Sans oublier le proverbe :

« Blé de la Sainte Barbe bien germé, est symbole de prospérité pour la prochaine année ».

 

 

La Sainte Luce

 

«A la Sainte Luce, les jours s’allongent d’un saut de puce» si l’on en croit le proverbe . La Sainte Luce est célébrée le 13 décembre. On l’appelle aussi fête de la Lumière car on illumine chaque soir jusqu’à Noël les balcons, les façades des bâtiments ou les fenêtres de bougies, de lampions et de lanternes pour conjurer le mauvais sort de l’hiver et fêter le renouveau et le retour du soleil et de la lumière. C’est aussi le jour où on cueille le gui ou le houx. Le gui, qui selon les Druides avait un pouvoir miraculeux, est suspendu au dessus des portes en signe de paix tandis que le houx est considéré comme un symbole de lutte cotre la sorcellerie.

 

 

La crèche et les santons

 

En Provence, on ne peut pas imaginer un Noël sans la crèche et ses petits personnages qu’on appelle santons

Dès le début du mois de décembre et jusqu’à l’Épiphanie, chaque famille provençale sort la crèche et les santons des cartons et les installe sous le sapin reproduisant ainsi la scène de la Nativité et reconstituant l’ambiance d’un village provençal avec ses petites gens et ses traditions.

L’origine du mot crèche vient du mot crupio qui signifie mangeoire d’étable.

La tradition de la crèche est fort ancienne et trouve son origine dans le Moyen-Âge. En fait, on attribue la première «crèche vivante» à Saint François d’Assise, (patron des animaux, des santonniers et fondateur de l’ordre des Franciscains) qui, en 1223, pendant la messe de minuit à son village Greccio en Italie, a mis en scène la Nativité avec des personnes (les villageois) et des animaux réels. Ce rituel s’est vite répandu en Italie et vers la fin du XIIIe siècle est arrivé en Provence grâce aux moines franciscains.

Peu à peu les personnes réelles ont été remplacées par des figurines en bois ou en carton pâte.

Cependant, pendant la Révolution française, les églises ont été fermées. Les gens ne pouvaient plus voir la crèche à Noël d’où le besoin des fidèles de créer des crèches, en cachette parce que c’était interdit, pour représenter la Nativité à l’intimité de leur foyer en utilisant tout matériel possible (le boulanger fabriquait son personnage en bois, le menuisier en bois…). C’est ainsi que sont nés les santons, «santoun» en provençal  ce qui signifie «petit saint» (san = saint et oun = petit) représentant, tout, d’abord, les personnages de la Nativité.

santons

En 1798, un Marseillais, nommé Louis Lagnel,  a eu l’idée de modeler les personnages de la nativité dans de l’argile, et de créer des moules pour reproduire ses modèles en série.

En 1803, la première Foire aux santons a eu lieu à Marseille. Mais, ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que ces «figurines à un sou» ont connu un véritable essor grâce aux maîtres santonniers. Des personnages populaires inspirés de la tradition, de la vie et des métiers provençaux sont venus s’ajouter à ceux issus de la culture chrétienne.

A côté du Nouveau-Né, de Joseph, de Marie, des Rois mages, des bergers, des animaux, de l’ange, on trouve aussi :

Le tambourinaire,

Lou Ravi coiffé d’un bonnet de nuit, c’est le naïf du village, un «simple d’esprit» qui lève les bras au ciel avec un air d’émerveillement

Pistachié ou Barthoumiou, le grand valet qui conduit un âne chargé de sacs de blé et Giget

Les vieux : le couple Jordan-Margarido, bras dessus bras dessous, sans cesse en querelle accompagnés de l’ami Roustido

Le Bohémien ou Lou Boumian : le marginal toujours à l’affût d’un mauvais coup ayant la réputation de voler les poules et de kidnapper les enfants

L’Aveugle et son fils : il s’appuie toujours sur l’épaule de son fils qui est son guide

Le boulanger

Le meunier

Le pêcheur

Le bûcheron

La lavandière

Le vannier

Le rémouleur appelé amoulaire en provençal

Le porteur d’eau

Le chiffonnier (l’estrassaïre en provençal)

La marchande de limaçons et bien d’autres gens typiques du Sud.

 

Les santons sont placés dans la crèche au milieu de l’étable et sont également entourés de ponts, de puits ou de moulins à vent. On y met aussi de la mousse, des brins de thym ou de romarin pour reconstituer l’ambiance d’un village.

De nos jours, la Foire aux Santons a toujours lieu à Marseille, à la Canebière, dans plusieurs villes de Provence on organise des concours de crèches en décembre tandis que le Salon International des santonniers se tient toujours à Arles.

Les santons constituent une tradition bien ancrée dans l’esprit de tous les Provençaux leur permettant de se créer une véritable identité.

 

 

Le Cacho-fiò

 

Le Cacho-fiò est une très ancienne tradition encore conservée dans certaines familles ou communes provençales qui consiste en l’allumage de la bûche de Noël le jour du Réveillon de Noël juste avant le Gros Souper. En fait, “Cacha le feu” signifie l’allumer.

Lors de cette cérémonie, le plus âgé de la famille, le «papé» et le plus jeune, le «caganis» apportent ensemble la plus grosse bûche issue d’un arbre fruitier (le plus souvent celle d’un cerisier, olivier ou amandier) et font trois fois le tour de la table qui est recouverte de trois nappes (symbole de la Trinité) avant de bouter le feu.

Cacho-fio Photo 3

Cacho-fio Photo 3

Ensuite, la bûche est posée dans le feu et l’aïeul l’arrose par 3 fois de vin chaud pendant qu’il prononce ces paroles :

 

« Cacho-fio« ( Bûche de Noël)

Bouto-fio (Donne nous le feu)

Alègre, alègre (Réjouissons nous)

Dièu nous alègre (Dieu nous donne la joie)

Calèndo vèn, tout bèn vèn (Noël vient, tout vient bien)

Dièu nous fague la gràci de veire l’an que vèn (Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient)

E se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens » (Et si nous ne sommes pas plus

Que nous ne soyons pas moins »).

 

Puis, tout le monde boit du vin chaud et passe à table.

La bûche doit brûler pendant trois jours et trois nuits et les charbons sont conservés pour protéger la maison.

Voici ce qu’écrit Frédéric Mistral dans  Mémoires et récits (1906) :

« Tous ensemble nous allions joyeusement chercher la « bûche de Noël », qui – c’était de tradition – devait être un arbre fruitier. Nous l’apportions dans le mas, tous à la file, le plus âgé la tenant d’un bout, moi, le dernier-né, de l’autre ; trois fois, nous lui faisions faire le tour de la cuisine ; puis, arrivés devant la dalle du foyer, mon père solennellement, répandait sur la bûche un verre de vin cuit, en disant : « Allégresse ! Allégresse ! Les beaux enfants, que Dieu nous comble d’allégresse ! Avec Noël, tout bien vient : Dieu nous fasse la grâce de voir l’année prochaine. Et, sinon plus nombreux, puissions-nous n’y être pas moins ». Et, nous écriant tous : « Allégresse, allégresse, allégresse ! » , on posait l’arbre sur les landiers et, dès que s’élançait le premier jet de flamme : « A la bûche / Boute feu ! » disait mon père en se signant. Et, tous, nous nous mettions à table. »

Une fois le feu allumé, le repas peut commencer.

 

 

Le Gros Souper

 

Le Gros Souper ou Gros Soupa en provençal prend place le soir du 24 décembre après le Cacho friò et avant la messe de minuit.

Il s’agit d’un repas très important plein de symbolismes où rien n’est laissé au hasard. La table de fête dite Table calendale est recouverte de trois nappes blanches disposées par grandeur croissante qui évoquent la Trinité, et illuminée de trois chandelles (même symbolisme). Les trois coupelles de blé germé de la Sainte-Barbe y sont aussi posées. Malgré son nom le Gros Souper se compose de 7 plats maigres nombre qui renvoie aux 7 plaies du Christ. Les 13 pains accompagnent le repas représentant la Cène avec Jésus et les 12 apôtres. Il existe aussi la coutume du couvert du pauvre en laissant une place vide au cas où quelqu’un viendrait frapper à la porte pour entrer au chaud et dînerpuisque Noël est avant tout la fête de la charité et du partage.

Tous les plats doivent être servis dès le début du repas.

La viande en est exclue puisqu’il s’agit d’une période de jeûne et d’abstinence. Il y a une grande diversité de plats selon la région. Pourtant, on trouve presque partout des légumes tels que le céleri, les cardes, les artichauts accompagnés d’une anchoïade. Parmi les plats incontournables on trouve la morue en raïto (sauce provençale aux tomates), les escargots, la soupe à l’ail ou les épinards.

 

 

Les treize desserts

 

Treize_desserts_à_Caderousse

TREIZE DESSERTS – PHOTO 2

S’il y a une tradition bien ancrée dans les esprits depuis des générations en Provence, c’est bien celle des 13 desserts du repas de Noël.

L’origine des 13 desserts semble s’inscrire dans la tradition méditerranéenne d’une sociabilité reposant sur le partage de douceurs revêtant en même temps une dimension religieuse. La tradition des desserts provençaux est assez ancienne bien que ses origines exactes restent variées. Pourquoi le chiffre 13 ? Parce qu’il représente les convives de la Cène, Jésus et les 12 apôtres.

Les treize desserts sont servis après le Gros Souper provençal qui est composé de plats maigres, en attendant de se rendre à la messe de minuit. Son appellation et le déroulement du rituel ont été définis au XIXe siècle par le Félibrige,  une association de poètes de Provence créée par Frédéric Mistral. Frédéric Mistral, décrit les treize desserts comme «uno sequèlo de privadié requisto» (une quantité de friandises exquises).

 

La composition des 13 desserts, également connus sous le nom de calenos, varie d’une région à l’autre. Cependant, la symbolique associée à chaque élément et le nombre de friandises sont toujours respectés.

 

Voici la liste des incontournables :

a)  Les 4 mendiants (les fruits secs)

Li pachichoi comme on les appelle en provençal sont des fruits secs dont la couleur sombre rappelle celle des robes des ordres religieux :

- les raisins secs pour les Dominicains

- les figues sèches pour les Franciscains

- les noix ou noisettes pour les Augustins

- les amandes pour les Carmélites

 

b)  Le nougat

Le nougat blanc (noisettes, pistache) et le nougat noir (miel, amandes) pour le pénitent blanc et le pénitent noir qui symbolisent le bien et le mal.

 

c)  Les fruits frais ou confits

Il s’agit de fruits de saison : oranges, mandarines, pommes, poires, raisins blancs, melons de Noël etc.

 

d)  Les dattes, symbole du Christ venu de l’Orient ou selon d’autres traditions, les présents amenés par les Rois Mages.

 

e)  La pompe à l’huile (pompa à l’òli)

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GIBASSIÉ (POMPE À L’HUILE) ) PHOTO 4

 

Elle est connue également sous le nom de gibassié (quand il est saupoudré de sucre) ou de fougasse et c’est un gâteau parfumé à la fleur d’oranger et gorgée d’huile d’olive. Selon la tradition, elle doit être rompue à la main et non coupée comme a été rompu le pain par Jésus pendant la Cène sinon on risque la malchance pour toute l’année.

 

 

 

f)  Les confiseries

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Chaque région a ses propres friandises : les calissons à Aixles navettes à Marseillela pâte de coing ou les pâtes d’amande à Niceles bugnes dans les alpes de Haute Provence.

 

Les desserts resteront trois jours sur la table et chaque convive doit les goûter tous. Ils sont servis avec du vin cuit. La table ne doit pas être desservie pour que les ancêtres puissent participer au dîner pendant la nuit. On noue simplement les coins afin qu’ils ne traînent pas sur le sol et que de mauvais esprits ne puissent pas grimper sur la table.

 

 

 

 

 

 

 

 

La messe de minuit (et les pastrages)

 

 La messe de minuit n’est pas une tradition spécifiquement provençale mais elle est tellement ancrée chez les Provençaux qu’elle devient une sorte de fête qui mêle l’aspect folklorique et la pratique religieuse. Elle a lieu juste après le Gros Souper.

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La tradition de célébrer la messe de minuit le 24 décembre remonterait au Ve siècle.

 

C’est l’occasion de se rendre en famille et assister à la veillée pour écouter et chanter les «NOEL»,  des chants de Noël en langue provençale, dont les plus connus sont ceux de l’Avignonnais Nicolas Saboly (1614-1675), dont Frédéric Mistral disait «qu’ils feraient pleurer d’émotion toute une église». Ces cantiques sont accompagnés de flûtes et des tambourinaires.

 

 

Outre les «Noëls», la messe de minuit comprend aussi la cérémonie du pastrage (de pâtre qui signifie berger) ou présentation de l’agneau. Il s’agit d’une coutume pastorale ancienne qui se perpétue dans certains villages en Provence. Le patron des bergers, Lou bayle, vêtu de sa cape, portant un chapeau enrubanné et tenant un bâton de pèlerin se rend à l’autel de l’église, accompagné des autres bergers et d’un petit pâtre qui porte un agneau nouveau-né. Il se met à conter le voyage qu’ils ont fait à travers des collines et des vallons pour venir exprimer leur adoration à l’Enfant Jésus et déposer leur offrande. Le prieur prend alors l’agneau offert (on ne fait aucun mal à l’agneau). Ce rituel représente l’annonce faite aux gardiens des troupeaux par l’ange, qui les a réveillés pour leur annoncer la naissance du Christ.

D’autres offrandes peuvent aussi avoir lieu : des fruits, des légumes, du poisson… tout dépend de la région. Parfois, on fait le tour du village au son des tambourins. Au sortir de la messe, des fougassettes  niçoises (du pain brioché tressé, parfumé à la fleur d’oranger et au safran, parfois farci de cédrat confit) sont offertes aux fidèles. On termine la soirée chez soi autour des treize desserts.

 

 

Les Pastorales

 

La pastorale est une représentation théâtrale célébrant la Nativité et évoquant avant tout la marche vers l’étable et l’histoire de Joseph cherchant vers Bethléem un logis pour la nuit pouvant accueillir sa famille. La pastorale comporte des passages chantés et des textes écrits en provençal et elle est jouée non pas par des professionnels mais par les villageois eux-mêmes qui improvisent souvent. Son nom vient des bergers, appelés pastres en provençal.

L’histoire est typique : d’abord, les bergers sont avertis de la naissance de Jésus. Puis, le berger réveille tout le village et avec ses habitants se met en route, chacun prenant des présents pour l’enfant.

On y retrouve des personnages typiques qui sont présents dans los crèches provençales : les pêcheurs, le rémouleur, le meunier, le bohémien, le maire, les vieux, l’aveugle, les bergers etc.

La pastorale la plus connue en Provence est celle d’Antoine Maurel créée en 1844 qui comporte 5 actes.

Les pastorales étaient d’abord jouées dans l’église même, faisant partie du rituel de la messe. De nos jours, elles se jouent hors de l’église après la messe de minuit entre le 25 décembre et le 2 février.

 

La Provence est la destination idéale pour tous ceux qui veulent renouer avec les traditions et garder sur le monde un regard d’enfant !

 

Passez d’excellentes fêtes et un très Joyeux Noël ou Bon Nouvè comme on dit en provençal à tous et à toutes !

 

CHRYSOULA ROUGA

 

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